Prime a la Mostra de Venise, «Locataires» ramene en terrain urbain le cineaste coreen qui avait emerveille avec «Printemps, ete, automne, hiver… et printemps»
Une formidable fable sur la liberte.
Qui n’a reve 1 jour de vivre sans attaches, d’appartement en maison, hote de passage libre de bien ce qui nous alourdit avec la propriete? C’est votre que parai®t avoir reussi un mysterieux petit homme qui se deplace a moto et s’introduit chez les individus dont il repere l’absence en placant un flyer publicitaire a leur porte. On le te prend d’abord pour 1 mauvais garcon, sans doute un voleur. Mais non: apres avoir passe la soiree et la nuit en prenant ses aises, il arrose nos plantes, lave le linge ou repare votre appareil, se faisant 1 point d’honneur de quitter le logement legerement mieux tenu que celui-ci ne l’avait achete.
Meme improbable, cette entree en matiere pourrait venir de n’importe ou, de Suisse tel des Etats-Unis. Sauf que i§a se marche en Coree du Sud, sans doute le pays au cinema le plus dynamique et surprenant du moment. Et qu’il s’agit du nouveau film de Kim Ki-duk, cineaste qui fit une percee remarquee l’an soir avec Printemps, ete, automne, hiver… et printemps. Locataires, alias Bin-jip (titre original qui signifie en fera «Maison vide»), ne devrait gui?re decevoir des fans de votre film bucolique et pourrait aussi en gagner de nouveaux a cet auteur controverse, tant l’originalite et J’ai maitrise de votre onzieme opus sautent a toutes les yeux. Elles lui ont deja valu un prix d’une mise en scene merite a la derniere Mostra de Venise, la aussi annee que Samaria, realise entre deux, lui valait un prix equivalent a Berlin!
Si Locataires seduit et captive tant, c’est vraisemblablement que l’essentiel de la video reste muet, laissant ainsi la mise en scene retrouver sa primaute. Di?s que le jeune Tae-suk s’introduit dans une villa en fera occupee par Sun-hwa, epouse bourgeoise et femme battue, une relation silencieuse nait entre eux. La parole ne viendra qu’avec l’apparition du mari scandalise. Apres une punition administree au club de golf (a l’origine du titre international du film, 3-Iron), les amants prennent la fuite et Sun-hwa partage Afin de 1 temps libre l’existence nomade et mutique de Tae-suk. Puis, lorsque l”™occasion les quitte, la soiree te prend 1 nouveau tournant surprenant, qui envoie le jeune homme en prison et l’epouse aupres de son mari contrit, en attendant l’evasion…
Au contraire des intrusions franchement politiques du recent The Edukators de l’Autrichien Hans Weingartner, celles de Locataires semblent viser a la fable universelle. Plusieurs prendront au pied d’une lettre l’article qui clot legerement maladroitement le film («Parfois, Il semble difficile de dire si individu dans lequel nous vivons est reve ou realite») et n’y verront qu’un brillant exercice formel. D’autres y percevront une critique sociale (posseder ou non), ou retiendront surtout l’objectif metaphysique (De quelle fai§on echapper au monde materiel), arbitres par la dimension sexuelle. En fera, Locataires contient tous ces niveaux de lecture. Mieux, il des fait cohabiter avec une harmonie qui force l’admiration, au-dela d’un symbolisme qu’on trouverait ailleurs quelque peu appuye.
Evidemment qu’on trouve ici le trio classique forme via le grand bourgeois, sa femme-objet (un ex-mannequin) insatisfaite qui le meprise et le jeune loubard providentiel (mais ici dote d’une formation universitaire).
Bien sur que les visites de logements successives offrent 1 apercu de la societe coreenne en mutation, avec le golf tel symbole de la nouvelle violence sociale et domicile ouverte du vieux quartier, au jardin idyllique et au petit couple equilibre, comme vision tout d’un paradis perdu. Mais la dimension spirituelle n’est nullement moins evidente, avec cet etrange amour n’ayant inutile de mots et, finalement, l’etrange «evasion» de Tae-suk. S’y esquisse, comme dans Printemps…, la vision bouddhique de la vie faite de cycles et de paliers, en quete de la conscience superieure.
Cineaste autodidacte au parcours d’aventurier, qui s’est longtemps signale depuis 1996 par un usage provocateur du sexe ainsi que la violence, Kim Ki-duk, 45 ans, a bien change. Decrie via Quelques comme votre pur service d’exportation pour festivals, au talent douteux, plus primaire que consciemment minimaliste, l’auteur de L’Ile (2000) nous parai®t au contraire posseder une etonnante marge de progression. Locataires le revele en emplie possession des moyens, qui possi?de degote sa propre propre voie quelque part entre Beineix, Pasolini et les plus allumes des cineastes japonais. Paradoxalement, sa limite pourrait resider dans sa predilection pour le «film a programme», fortement structure. Neanmoins,, pour l’instant, son palier actuel a tout pour faire le bonheur du grand public comme du spectateur le plus exigeant.
Locataires (Binjip/ 3-Iron), de Kim Ki-duk (Coree du Sud, 2004) https://datingmentor.org/fr/pussysaga-review/, avec Jae Hee, Lee Seung-yeon, Kwon Hyuk-ho, Joo Jin-mo.